Le journalisme autochtone : donner une voix aux communautés
Quel rôle ont les journalistes autochtones, quel est leur cheminement et quelle place occupent-ils dans le paysage médiatique? Trois d'entre eux parlent de leur expérience.
Samuel Rainville, conseiller aux relations avec les Premiers Peuples à l'Université de Montréal, le journaliste à TVA Michel Jean, la journaliste pour le réseau APTN, Shushan Bacon, et Gabrielle Paul, ex-reporter à Radio-Canada.
Photo : Radio-Canada / Evelyne Côté
Amener son micro dans les communautés, c'est la raison pour laquelle Shushan Bacon s'est lancée en journalisme.
Celle qui a grandi à Mani-utenam, sur la Côte-Nord, et qui vit désormais à Wendake, près de Québec, travaille depuis trois ans pour le réseau APTN.
Elle était l'invitée d'une table ronde mardi soir du département de communication de l'Université de Montréal, à laquelle participaient également le journaliste et chef d'antenne à TVA, Michel Jean, et Gabrielle Paul, qui a été reporter spécialisée à Espaces autochtones de Radio-Canada de 2020 à 2023.
Ce que Joyce Echaquan n'a pas pu avoir, je vais le faire. Je vais me mobiliser, je vais amener le micro dans nos communautés
, raconte Shushan Bacon, qui est à la barre du bulletin d'information national d'APTN diffusé en français chaque lundi.
Le décès de l'Atikamekw Joyce Echaquan l'a bouleversée et a remis en question sa vie professionnelle, elle qui se destinait à poursuivre ses études universitaires en administration. Pendant deux semaines, j'en ai pleuré. Ce que l'on vit au quotidien, les petites bribes, les microagressions en tant qu'Autochtone, c'est ce qu'elle a mis en lumière
, indique-t-elle. Peu de temps après, elle décrochait un emploi au réseau APTN.
Les journalistes participants à cette table ronde ont en commun leur volonté de mieux représenter les réalités de leurs communautés.
Photo : Radio-Canada / Evelyne Côté
Pour Gabrielle Paul, originaire de Mashteuiatsh, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, c'est le désir de mieux représenter sa communauté qui l'a incitée à devenir journaliste.
Dans mes années d'adolescence, c'est là que j'ai commencé à prendre conscience de l'impact des médias. Quand on parlait de ma communauté dans les médias régionaux, c'était toujours des trucs de descente de drogues. Moi, ça ne représentait pas ce que je voyais
, affirme l'ex-reporter, qui est maintenant conseillère politique aux relations gouvernementales et stratégiques pour le conseil de bande de sa communauté.
Un regard différent
Le journaliste à TVA Michel Jean, lui aussi originaire de Mashteuiatsh, indique qu'il y a encore du chemin à faire pour que les Autochtones soient mieux représentés dans les médias. Si les gens ne se voient pas, c'est dur de les inciter à vouloir faire ce métier-là
, dit-il.
Il fait remarquer d'ailleurs qu'il est le seul représentant des Premières Nations sur les chaînes généralistes à la télévision québécoise.
C'est important d'avoir des Autochtones, ça apporte un autre regard.
Pour sa part, il dit privilégier la littérature plutôt que le journalisme pour raconter des histoires sur les Autochtones. Michel Jean aborde d'ailleurs ses origines innues à travers de ses romans Kukum et Atuk, elle et nous, inspirés de la vie de ses aïeules.
Le journalisme autochtone au Canada :
- En 2023, 75,5 % des journalistes s’identifient comme Blancs, 5,2 % comme Autochtones et 19,3 % comme appartenant à une minorité visible.
- Environ 88 % des gestionnaires se disent Blancs, contre 2,4 % Autochtones et 13,2 % appartenant à une minorité visible.
Source : Association canadienne des journalistes