Le World Press Photo : une exposition qui fait du bien
Un flamant rose regarde ses pattes, qui ont été enveloppées d'une paire de chaussettes improvisée afin de soigner ses blessures.
Photo : Jasper Doest
- Kevin Sweet
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Connaissiez-vous le sort des flamants roses gardés en captivité en Floride? Saviez-vous que le Nigeria a l’un des taux de natalité de jumeaux les plus élevés de la planète? Saviez-vous que les femmes en Iran ne peuvent pas accéder à des matchs de football dans leur propre pays?
L’exposition World Press Photo — que le Musée canadien de la guerre (MCG), à Ottawa, est le premier à recevoir au pays — expose le visiteur à des enjeux parfois oubliés dans les grands titres. Étonnamment, certaines photos font même sourire.
La crise migratoire a retenu l’attention des photojournalistes encore une fois cette année. Si, par le passé, leurs lentilles s’étaient posées sur la crise en Europe, cette fois, c’est sur la situation à la frontière sud des États-Unis qu’elles se sont braquées.
La photo de Yanela Sanchez, une petite fille hondurienne en pleurs lorsqu’elle est placée en détention avec sa mère, en est un parfait exemple. D’ailleurs, l’image de l’Américain John Moore s’avère la grande gagnante de la compétition internationale du World Press Photo.
La photo de cette petite fille pleurant alors que sa mère est fouillée par un agent des services frontaliers américains a fait le tour du monde.
Photo : Getty Images / John Moore
C’est différent de se mettre ici, dans une exposition, que de voir quelque chose sur Internet. Ici, on est seuls et on peut prendre le temps, et on prend le temps de voir les histoires et lire les explications
, affirme Sanne Schim van der Loeff, la commissaire de l’exposition.
On peut en apprendre plus que lorsqu’on lit le journal et [qu’]on pense : “C’est grave ce qui se passe” et, ensuite, on passe à autre chose.
Au cours de la dernière année, la crise migratoire a fait couler beaucoup d’encre dans les médias traditionnels. Les visiteurs seront peut-être au courant de la situation et reconnaîtront certaines images. Mais le World Press Photo, c’est aussi une occasion de se laisser surprendre et d’en apprendre davantage sur des réalités moins souvent abordées par la presse.
Un groupe de migrants d'Amérique centrale escalade une clôture à la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
Photo : AFP / Pedro Pardo
Des surprises
De telles surprises, on en trouve abondamment parmi les 157 images sélectionnées par le jury à partir des quelque 80 000 photos soumises.
Notamment, les portraits faisant état de la forte présence de jumeaux au Nigeria. À Igbo-Ora, un petit village de ce pays de l’Afrique de l’Ouest, chaque famille connaît au moins une naissance de jumeaux! Qui l’eût cru?
Land of Ibeji
Photo : Sanne de Wilde
Plus loin dans l’exposition, des images de lutte à l'huile — appelée kirpinar en Turquie — déconstruisent, par leur caractère homoérotique, certains stéréotypes sur les hommes du Moyen-Orient.
Des hommes turcs se préparent à combattre lors d'un festival de lutte en Turquie.
Photo : Anadolu Agency/Elif Ozturk
Par contre, ailleurs dans l’exposition, des photos rappellent l’énorme chemin qu’il reste à parcourir, en particulier pour les femmes.
On pense, entre autres, à ces photos d’Iraniennes à qui on a permis d’assister à un match de football dans leur propre pays, le printemps dernier. Habituellement, l’accès aux stades leur est interdit.
The Regret Moment
Photo : Forough Alaei
En fait, plusieurs photos rappellent la situation fragile de la condition de la femme ailleurs dans le monde, comme en Colombie et en Irlande. Ce pays vient à peine de renverser une loi considérée régressive pour légaliser les avortements, et ce, sans conditions.
Il y a des photographes qui, aujourd’hui, essaient de parler de ce sujet et de dire que c’est un problème mondial et pas seulement en Iran
, souligne la commissaire Schim van der Loeff.
Des images qui font du bien
L’exposition présente des images violentes, sanglantes et, souvent, d’une infinie tristesse. D’ailleurs, une mise en garde à l’entrée de l’exposition rappelle la nature sensible de certains sujets traités.
Toutefois, l’exposition offre aussi des moments de légèreté aux visiteurs et raconte des histoires qui font du bien. Comme celle de Bob le flamant rose.
Le flamant rose Bob aime passer du temps à s'ébattre dans cette piscine.
Photo : Jasper Doest
On voit l’oiseau porter des chaussettes confectionnées sur mesure pour aider la guérison de lésions sur ses pieds. Les blessures sont fréquentes parmi les flamants roses en captivité. Il a été soigné et finalement relâché sur l’île de Bonaire, d’où il est originaire.
C’est une histoire vraiment positive et c’est quelque chose que l’on ne connaît pas dans le photojournalisme
, soulève Mme Schim van der Loeff.
Cette nouvelle génération veut raconter des histoires avec une approche plus constructive. Il y a problème, et on le sait, mais il y a aussi des choses qui changent.
L’histoire de Bob le flamant nous rappelle que ça fait du bien de, parfois, regarder le monde, avec des lunettes roses.
Pura, 15 ans, circule dans les rues de son quartier dans une décapotable rose des années 50, à La Havane, Cuba.
Photo : Magnum Photos/Diana Markosian
POUR Y ALLER :
World Press Photo – Exposition 2019
Théâtre Barney-Danson, Musée canadien de la guerre
19 juillet au 11 août 2019
- Kevin Sweet