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De Nagano à Mont-Saint-Grégoire, l’histoire d’un couple de fermiers japonais en Montérégie

Alors qu’une pénurie de main-d'œuvre sévit dans le monde agricole, des producteurs maraîchers québécois ont reçu une lettre, véritable bouteille à la mer version moderne.

Lettre de Tatsuya Ikeda et photo de famille

Tatsuya et Yoshie ont écrit une lettre à une quinzaine de fermes dans le monde entier pour trouver une ferme biodynamique sur laquelle s'établir quelques années.

Photo : Radio-Canada

Tatsuya Ikeda cultivait une parcelle d’un hectare à Tateshina, dans la préfecture de Nagano au Japon. Francophile, le maraîcher avait baptisé sa ferme Atelier Nomade. Ses légumes et ses fleurs comestibles biologiques étaient destinés, entre autres, aux restaurants de gastronomie française à Tokyo.

On avait tout loué, la maison et le terrain [...] Mais au bout de dix ans, mon propriétaire m'a dit qu’il ne voulait pas renouveler notre contrat. Donc, il fallait quitter.

Une citation de Tatsuya Ikeda

Même si cultiver la terre suppose de s’enraciner dans un lieu bien précis, Tatsuya et sa femme Yoshie ont le goût des voyages, de l’ailleurs. Ils ont déjà séjourné à l’étranger et complété des stages dans des fermes en France. Cette éviction est pour eux l’élément déclencheur.

On a beaucoup réfléchi à notre futur. J'ai pensé que oui, maintenant, on part à l'étranger pour faire une autre expérience, pour moi et pour la famille.

Une citation de Tatsuya Ikeda
Tatsuya Ikeda est un producteur maraicher

Dans la région de Nagano au Japon, Tatsuya Ikeda et sa femme louaient un lopin de terre où ils cultivaient des légumes et des fleurs comestibles.

Photo : Radio-Canada

Mais Yoshie n’est pas convaincue. Leur fils aîné, Saku, a 9 ans et elle vient de donner naissance à la petite Madoka. On était vraiment bien au Japon, avec beaucoup d'amis pour les enfants, pour moi aussi. C'était vraiment confortable d'habiter là-bas, précise Yoshie Ikeda.

Finalement l’idée de travailler dans une ferme à l’étranger et de donner aux enfants l’occasion d’apprendre une autre langue fait son chemin. Ils écrivent alors une dizaine de lettres destinées à des fermes maraîchères un peu partout à travers le monde : au Brésil, au Danemark, aux États-Unis... La plupart restent sans réponse. L’une d’elles est adressée à la Ferme Cadet-Roussel de Mont-Saint-Grégoire, à 50 kilomètres au sud de Montréal.

Anne Roussel a repris l’entreprise, fondée par son père dans les années 70, avec son conjoint Arnaud Mayet. Modeste à ses débuts, la ferme nourrit aujourd’hui près de 600 familles via des paniers hebdomadaires. Elle emploie une dizaine de personnes, dont trois Mexicains et un Guatémaltèque. La lettre des maraîchers japonais tombe à point.

Sans avoir mis d'annonce de recherche, on était en recherche de gens avec qui partager le quotidien. Donc c'était vraiment intéressant quand on a reçu leur demande, c'était comme: oh oui! On veut, on veut!

Une citation de Anne Roussel
Anne Roussel copropriétaire de la Ferme Cadet-Roussel

Pour Anne Roussel, copropriétaire de la Ferme Cadet-Roussel, trouver de la main-d'oeuvre spécialisée en biodynamie est un véritable défi.

Photo : Radio-Canada

Les travailleurs agricoles ne courent pas les rues, il en manque 60 000 dans les fermes au Canada. Et comme la ferme Cadet-Roussel adhère aux principes de la biodynamie, les travailleurs qualifiés sont encore plus rares. Cette agriculture complexe suit, entre autres, les cycles de la lune pour déterminer le moment opportun pour semer et récolter.

Normalement, on est à la recherche de travailleurs étrangers, puis, finalement, ici c’est l’inverse: c'est eux qui nous ont contactés pour venir ici.

Une citation de Arnaud Mayet, co-propriétaire Ferme Cadet Roussel

Le grand saut

La famille de Tatsuya viendra d’abord en voyage en 2017, histoire de faire connaissance. Entre les maraîchers, le courant passe bien. Anne Roussel enclenche alors le processus pour l’obtention d’un permis de travail pour Tatsuya et Yoshie. Puis, en 2019, c’est le grand saut, toute la famille déménage au Canada.

Rapidement, les Japonais deviennent de précieux alliés à la ferme. Comme responsable des champs, Tatsuya veille aux semis, à la bonne croissance des plantes et se charge même de la livraison des paniers à Montréal.

Yoshie, quant à elle, est responsable de nourrir enfants et travailleurs qui arrivent affamés tous les midis. Autour de la grande table, dans la cuisine d’été, les discussions vont bon train. On parle germinations, mauvaises herbes, mais aussi langue et culture, car c’est une véritable immersion que vit la famille Ikeda.

Croiser tout le temps d'autres cultures, d'autres nationalités, habiter, partager les moments ensemble, manger ensemble, travailler ensemble, c'est vraiment rare une place comme ça.

Une citation de Yoshie Ideka
Yoshie Ikeda au travail dans la cuisine.

Yoshie est responsable de nourrir familles et travailleurs au quotidien.

Photo : Radio-Canada

Même si l’adaptation n’est pas tous les jours facile, ils en retiennent le positif et s'étonnent de voir les progrès de leurs enfants en français.

Ils ont appris très, très vite, plus vite que prévu je crois le français! Maintenant, même ma fille peut comprendre presque tout, affirme Tatsuya Ikeda.

Et l’apprentissage ne se fait pas à sens unique. Les deux familles ont des enfants du même âge qui se sont rapidement liés d’amitié et s’enseignent mutuellement le japonais et le français.

Camilio, notre fils de 3 ans, des fois, il essaye de me dire des choses en japonais que moi je ne sais pas ce que ça veut dire. Je n'ai jamais entendu ça!

Une citation de Arnaud Mayet

Au-delà des différences culturelles, la terre, celle qu’ils avaient perdue au Japon et qu’ils ont trouvée ici, sert de point de rencontre. Tatsuya, comme Anne et Arnaud, sait lire dans les plantes, il parle leur langage. Tous les matins très tôt, il parcourt seul les champs.

Tatsuya Ikeda et Arnaud Mayet travaillent ensemble au champ.

Depuis 2019, Tatsuya Ikeda et sa famille sont devenus des partenaires pour la ferme Cadet-Roussel.

Photo : Radio-Canada

Ses observations sur l’évolution des cultures guideront les récoltes à venir, le sarclage qu’il faudra faire malgré la chaleur de juillet. Mais elles renseignent aussi sur la sagesse et le brin d’audace qu’il faut pour oser être agriculteur à des milliers de kilomètres de chez soi.

Il y a la différence entre le caractère de la terre au Japon et au Québec, mais il faut s'adapter, c'est la nature de toute façon. Il faut accepter la météo, la nature…

Une citation de Tatsuya Ikeda

Revoyez le reportage Un Japonais à la ferme diffusé à La semaine verte.

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