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La crise de la biodiversité touche aussi les animaux d’élevage

La production mondiale de viande, d’œufs et de lait demeure dominée par une poignée de races, alors que des animaux d’élevage issus de races rustiques disparaissent à vitesse grand V. L'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tire la sonnette d’alarme depuis des années.

Deux moutons Shropshire.

Les moutons Shropshire dominaient autrefois la production ovine au Canada. Cependant, avec l’arrivée des fibres synthétiques au milieu du XXe siècle, cette race a connu un déclin dramatique.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

À Martintown, dans l’Est ontarien, Kodie Gills essaie tant bien que mal de vivre de son petit troupeau de cochons Lacombe, la seule race porcine canadienne. Bien adaptés à la vie en plein air, ses animaux sont élevés au pâturage et en forêt.

Pas besoin d’avoir de grands bâtiments et des investissements de plusieurs millions de dollars, souligne ce jeune agriculteur.

Kodie Gills et son porc de race Lacombe.

Kodie Gills élève un des rares troupeaux de cochons Lacombe, une race qu’on ne trouve qu’au Canada. On le voit ici en présence de son verrat (un mâle reproducteur), un colosse de plus de 300 kilos.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

Cette race aux oreilles tombantes a été élaborée à la ferme expérimentale d’Agriculture Canada à Lacombe, en Alberta, dans les années 1950. Après avoir connu un bel essor, elle est tombée en défaveur au moment où la production porcine s'est industrialisée.

Aujourd’hui, il ne reste qu’une poignée d’élevages de cochons Lacombe au pays.

Cette histoire se répète dans le monde entier à mesure que l’agriculture se spécialise et mise sur les races les plus performantes. Selon la FAO, plus de 70 % des races locales risquent de disparaître.

Gros plan de la tête d'une vache de race Kerry.

Originaires d’Irlande, les vaches de race Kerry sont très rustiques. Selon la FAO, favoriser les races issues du patrimoine pourrait assurer une meilleure résilience des élevages aux changements climatiques et aux maladies émergentes.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

Pourtant, alors que le climat change, préserver le patrimoine génétique de ces animaux plus rustiques est urgent, signale le généticien Carl Lessard.

Il y a probablement des races quelque part qui vont être moins sensibles à la grosse chaleur ou qui vont demander moins de nourriture pour produire la même quantité de lait ou de viande, fait-il valoir.

M. Lessard a été pendant plusieurs années le conservateur des ressources animales à la banque cryogénique d’Agriculture Canada, à Saskatoon, une mine d’or génétique où sont conservées plus d’un demi-million de doses de semences d’animaux d’élevage.

Un spécialiste en génétique animale près d’une cuve d’azote liquide.

Carl Lessard près d’une cuve d’azote liquide à la banque cryogénique d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, à Saskatoon.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

Dans des cuves d’azote liquide, le sperme et les embryons de races du patrimoine côtoient ceux des grandes races en production.

Aussi performants soient-ils, les animaux que l’on trouve dans les élevages à grande échelle sont souvent plus vulnérables aux maladies que leurs cousins plus rustiques.

Les animaux du patrimoine sont des réservoirs de gènes qui ont parfois été carrément perdus dans les grandes races d’utilisation commerciale, explique Carl Lessard.

Il cite les travaux de sa collègue américaine Janet Fulton, qui s’est penchée sur le gène MHC Beta, responsable de la réponse immunitaire (Nouvelle fenêtre).

Elle a découvert que les poulets commerciaux n’ont vraiment pas beaucoup de variations de ce gène. Mais si on va voir les animaux du patrimoine, on a accès à une panoplie de différentes variations de ce gène-là, et ça a vraiment démontré l'importance de continuer à s'occuper de nos animaux du patrimoine afin d'aider nos productions industrielles dans le futur.

Des poules Chantecler dans un poulailler.

La poule Chantecler, fruit des travaux de génétique du frère Wilfrid à l’abbaye d’Oka, au début du XXe siècle, est la seule race de poule canadienne. Utilisée pour la ponte et la chair, elle est passée à deux doigts de disparaître.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

L’érosion de la variabilité génétique fragilise aussi les races de vaches laitières comme la Holstein, championne de la production de lait, bien connue pour sa robe noir et blanc.

Il y a quelques années, des chercheurs de l’Université Penn State aux États-Unis ont découvert que 99 % des taureaux de cette race en Amérique du Nord descendaient de seulement deux taureaux américains.

On a tellement croisé [les vaches Holstein] pour la production de lait que ça s'est amélioré de manière incroyable, mais on a oublié d'autres traits qui étaient importants, comme la fécondité. Les producteurs ont de plus en plus de difficulté à garder un beau taux de reproduction des vaches et sont obligés de les remplacer régulièrement.

Une citation de Carl Lessard, généticien
Une vache et deux veaux.

La vache Holstein est très appréciée, notamment parce qu'elle produit beaucoup de lait.

Photo : Getty Images

Pour retrouver une plus grande richesse génétique, les associations de producteurs peuvent se tourner vers la banque de Saskatoon, une sorte de police d’assurance pour eux.

Cependant, même si toutes les précautions sont prises, le succès d’une insémination artificielle n’est pas garanti et varie beaucoup d’une espèce à l’autre.

C'est sûr qu'on aimerait bien dire qu'on garde toujours des animaux vivants. C'est la meilleure façon de s'assurer que [le patrimoine] génétique est préservé [...], mais ça coûte beaucoup de sous, admet Carl Lessard.

Une analyste génétique travaille dans un laboratoire.

L’analyste génétique Pamela Walker manipule des paillettes contenant des semences conservées dans de l’azote liquide à la banque cryogénique de Saskatoon.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

D’autres pays, en Europe notamment, choisissent plutôt de soutenir financièrement les éleveurs de races patrimoniales grâce à des subventions, notamment.

Au Canada, il n’y a rien pour les petits fermiers, se désole Kodie Gills. Le soutien financier nous permettrait de vendre de la viande à un prix plus abordable pour les gens. [...] On a beau être passionné de races patrimoniales, une ferme, ça reste une entreprise.

Le prochain rapport de la FAO sur l’état des ressources zoogénétiques dans le monde est attendu en 2025.

Deux moutons Shropshire.

Le reportage de Catherine Mercier et de Geneviève Brault à ce sujet présenté à l'émission «La semaine verte»

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

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