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ChroniqueLes dindons de la farce sont devenus mendiants

Un homme lève les bras dans les airs.

Jesse Marsch avait dirigé l'Impact de Montréal lors de son entrée en MLS en 2011-2012

Photo : Reuters / CHRISTIAN HARTMANN

La dernière semaine a débuté par une annonce qui est passée sous le radar dans l’actualité sportive : Canada Soccer a embauché le sélectionneur américain Jesse Marsch pour prendre les commandes de l’équipe nationale masculine jusqu’à la Coupe du monde de 2026. Or, quand on remet cette embauche dans son contexte, il est difficile de ne pas voir le ridicule dans lequel baigne désormais le soccer canadien.

L’embauche d’un nouvel entraîneur-chef pour le programme national masculin était nécessaire, rappelons-le, parce que l’excellent John Herdman avait quitté ce poste en août 2023, écoeuré par le cancer financier qui ronge Canada Soccer.

En 2018, les dirigeants de Canada Soccer ont cédé tous les droits commerciaux de la fédération jusqu’en 2037. Alors qu’on savait qu’une Coupe du monde allait, en partie, être présentée au Canada en 2026 et qu’une impressionnante manne allait en découler, ces précieux droits ont été cédés pour des peccadilles, de 3 à 4 millions par an à une entité suspecte appelée Canadian Soccer Business (CSB).

À sa face même, cette entente est tellement mauvaise qu’elle ne peut avoir été orchestrée que par des gens incompétents ou animés de mauvaises intentions.

Depuis quelques années, Canada Soccer est donc étouffée financièrement. La fédération est sans cesse à couteaux tirés avec ses joueurs et joueuses au sujet de leurs conditions de travail, et les budgets alloués à la préparation des équipes (camps d’entraînement, matchs préparatoires, transports) ont été touchés.

Cette entente entre Canada Soccer et CSB est à ce point dommageable que les joueuses de l’équipe nationale ont intenté une poursuite de 40 millions de dollars contre les membres du conseil d’administration de la fédération pour négligence et manquement à leurs obligations fiduciaires.

Bref, au lieu de se battre avec une fédération incapable d’encadrer ses athlètes normalement, Herdman a choisi d’aller se faire voir ailleurs. Il dirige désormais le Toronto FC.

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Un homme regarde au loin.

John Herdman

Photo : The Canadian Press / Nathan Denette

Au début de la semaine, donc, Canada Soccer a annoncé que Jesse Marsch prendra la relève de Mauro Biello, qui assurait l’intérim depuis le départ de Herdman. Et d’un même souffle, on a appris que le salaire du nouvel entraîneur sera en quasi-totalité assumé par les trois équipes canadiennes de la MLS : les Whitecaps de Vancouver, le CF Montréal et le Toronto FC.

Pour un court instant, prenons un pas de recul. Le Canada est un pays du G7. Et Canada Soccer, qui compte quelque 740 000 membres, est la plus imposante fédération sportive de ce pays du G7. On ne parle donc pas d’une association de pétanque de quartier. Qui plus est, le Canada présentera 13 matchs de la Coupe du monde en 2026.

Malgré tout ce qui précède, Canada Soccer est obligée de mendier des fonds privés pour financer le salaire de son entraîneur-chef. N’est-ce pas à la fois gênant et ridicule?

Le nouveau PDG de Canada Soccer, Kevin Blue, a été encensé pour sa créativité lorsqu’on a annoncé l’embauche de Marsch. Les importantes ressources financières censées provenir des ententes de commandites et de droits de diffusion ayant été détournées ailleurs, Blue a certainement le mérite d’avoir exploré la voie de la philanthropie pour alléger la misère qui s’abat sur son organisation.

En même temps, on dirait toutefois que la collectivité est en train d’oublier pourquoi Kevin Blue en est réduit à quêter de l’argent et pourquoi Canada Soccer a adopté, il y a deux semaines, une augmentation de 44,4 % des contributions annuelles que les participants du soccer mineur devront verser à leur fédération nationale. Ces frais sont passés de 9 $ à 13 $.

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Pendant que Canada Soccer tire le diable par la queue pour des raisons suspectes, le reste du pays se prépare à accueillir la Coupe du monde comme si de rien n’était. Et de ce côté, les fonds ne manquent pas.

Au début de mai, on apprenait que le fédéral allait débourser 116 millions pour appuyer la présentation de sept matchs à Vancouver. Et simultanément, il s’est avéré qu’Ottawa allait contribuer à la hauteur de 104 millions pour appuyer la présentation de six matchs à Toronto.

Si l’on considère que la traditionnelle formule du partage 1/3, 1/3, 1/3 s’applique entre les gouvernements provinciaux, municipaux et fédéral, ça signifie que les 7 matchs présentés à Vancouver vont coûter quelque 348 millions et les 6 matchs à Toronto nécessiteront des dépenses de 312 millions. On parle donc d’un total de 660 millions pour couvrir les aspects sportifs et événementiels de ces 13 matchs.

Les gradins vides du stade BC Place, le 30 avril 2024.

Sept matchs de la Coupe du monde de la FIFA 2026 se dérouleront au stade BC Place de Vancouver.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

Ces 660 millions font abstraction des coûts de sécurité qui s’élèveront facilement à 400 ou 500 millions, voire davantage. En 2010, les dépenses de sécurité des Jeux d’hiver de Vancouver s’étaient élevées à 900 millions. Or, ces Jeux duraient 17 jours et leur présentation était concentrée dans une seule région du pays.

Les matchs de la Coupe du monde de 2026 seront présentés au Canada sur une période de 24 jours, dans deux provinces différentes. Sans oublier le fait que plusieurs équipes nationales arriveront au Canada longtemps à l’avance pour parfaire leur préparation.

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Dans l’univers du sport de haut niveau, les succès vont de pair avec les moyens financiers dont disposent les programmes pour développer et préparer leurs athlètes. C’est dommage, mais la vie est ainsi faite.

Et spectaculairement, l’équipe canadienne qui sera censée faire vibrer le pays dans deux ans est en train de se préparer pour le plus grand rendez-vous sportif de la planète avec une claque et une bottine, en mendiant de l’argent ici et là pour assurer son fonctionnement. Pour sa dernière année d’opération, alors que ce sport n’a jamais été aussi populaire au pays, Canada Soccer a d’ailleurs présenté un déficit de 4 millions.

Après s’être fait rouler dans la farine lors de la conclusion de l’infâme entente entre Canada Soccer et CSB, nos joueurs et joueuses internationaux sont en quelque sorte en train de devenir des mendiants.

Tout cela à cause d’une entente suspecte dont les effets se feront sentir jusqu’en 2037 et qu’un peu tout le monde est en train d’oublier.

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