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La Franco-Manitobaine Marguerite Paul est arrivée d'Haïti il y a plus de 20 ans.  | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Chaque année, le 1er janvier, Marguerite Paul célèbre l’indépendance d'Haïti autour de la soupe joumou. Pour la Manitobaine originaire de Limbé comme pour tous les Haïtiens d’origine à travers le monde, cette tradition représente un devoir fraternel et révolutionnaire.

Ce mets traditionnel a une grande signification pour les Haïtiens, affirme avec fierté Marguerite Paul, arrivée au Manitoba il y a un peu plus de 20 ans. 

Le 7 janvier dernier, le drapeau d'Haïti flottait au Centre Winakwa à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du pays.
Le 7 janvier dernier, le drapeau d'Haïti flottait au Centre Winakwa à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du pays. | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Selon l’ancien président du Regroupement des Haïtiens du Manitoba, Pierre Ebert Delcy, la soupe joumou est intimement liée à l’histoire d'Haïti. Il explique qu’elle était interdite aux esclaves et réservée aux colons à l’époque de la colonisation. 

Le 1er janvier 1804, Haïti a obtenu son indépendance de la France. Ce sera le premier peuple noir à abolir l’esclavage. L’histoire raconte que, lors de la déclaration de l’indépendance, Marie-Claire Heureuse, qui était l’épouse du fondateur de la République d’Haïti, Jean-Jacques Dessalines, a servi la soupe joumou aux généraux. « La roue avait tourné », explique Pierre Ebert Delcy. 

Symbole de partage et de fraternité

Plus d’une centaine de personnes étaient présentes au Centre Winakwa, le 7 janvier, pour déguster la soupe joumou le jour de la fête d’indépendance d'Haïti.
Plus d’une centaine de personnes étaient présentes au Centre Winakwa, le 7 janvier, pour déguster la soupe joumou le jour de la fête d’indépendance d'Haïti. | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Cette soupe est, selon lui, le symbole de la fraternité prônée par la devise qu’on trouve sur le drapeau de la République : L’union fait la force. La tradition veut aussi que cette soupe soit partagée avec tous les Haïtiens à travers le monde.

Quand Marguerite Paul vivait en Haïti, dès le 31 décembre, à minuit, tout le voisinage se rassemblait. « Les enfants sont dans les rues, raconte-t-elle. On va visiter les oncles, les tantes, il y aura beaucoup de va-et-vient. Je fais la soupe et je t'en envoie, tu fais la soupe et tu m’en envoies… Tout le monde va être dans l’ambiance. »

Pierre Ebert Delcy a grandi dans la ville des Cayes, dans le sud d'Haïti. Il a des souvenirs semblables. « Différentes soupes circulaient dans les rues, dit-il. Je peux avoir concocté une soupe avec une viande quelconque, et une autre personne a utilisé une autre viande. Donc, c’est comme ça. »

Plusieurs Manitobaines ont préparé la soupe joumou de différente manière pour partager le plat avec la communauté.
Plusieurs Manitobaines ont préparé la soupe joumou de différente manière pour partager le plat avec la communauté.  | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Un mets bien garni

Pierre Ebert Delcy explique que chaque région, chaque famille, a une manière différente de préparer la soupe. L’ingrédient principal reste le même partout : c’est le giraumont, un type de courge qu’on trouve en Amérique centrale et dans les Antilles. 

C'est un ingrédient que Marguerite Paul trouve facilement au Manitoba depuis quelques années. 

Selon les familles, il peut y avoir différents ingrédients dans la soupe. Certaines utilisent de la viande de bœuf, d’autres, de la viande de poulet.
Selon les familles, il peut y avoir différents ingrédients dans la soupe. Certaines utilisent de la viande de bœuf, d’autres, de la viande de poulet.  | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Dans la soupe qu’elle a préparée en vue de l’entrevue à Radio-Canada, on trouve de la viande de bœuf ‒ "Dans des coupes contenant des os, insiste Marguerite Paul ‒ ainsi que du céleri, des carottes, du chou, des poireaux et différents types de macaronis. 

Elle précise que certaines familles y mettent du poulet ou de la dinde plutôt que du bœuf. 

Dans certaines régions, on met aussi des pommes de terre, du navet et plusieurs autres légumes. On peut y ajouter plus d’aliments pour avoir le ventre plein, affirme Marguerite Paul. 

Pierre Ebert Delcy, qui vient du sud du pays, est surpris d’apprendre que, dans les régions du nord, les Haïtiens y ajoutent des bananes plantains ou du manioc. 

Chez moi, on met de l’igname. Les goûts se rapprochent, dit Pierre Ebert Delcy. C’est juste ce qu’ils ajoutent qui diffère.

Soupe joumou

Recette de soupe joumou - iStock / Alleko
Préparation
20 min
Cuisson
1 h 25 min

Pour célébrer la diaspora haïtienne, initiez-vous à la soupe joumou de la cheffe Marie-France Mesilas.

Voir la recette : Soupe joumou

Une tradition qui dure

Pour Marguerite Paul, il est important de transmettre cette recette à ses enfants. « J’ai toujours fait la soupe et je leur explique toujours comment la faire. »  

Elle raconte que, lorsqu’elle était enfant, les femmes cuisinaient la soupe, et les enfants, plus généralement les filles, étaient aux côtés de leur mère pour l’aider et apprendre en même temps.

La famille de Marguerite Paul déguste un bol de soupe joumou à l’occasion de l’indépendance d'Haïti.
La famille de Marguerite Paul déguste un bol de soupe joumou à l’occasion de l’indépendance d'Haïti. | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Il y a quelques années, Marguerite Paul se rendait régulièrement en Haïti pour y célébrer l’indépendance avec ses enfants, afin de leur faire vivre ces traditions. 

Sa nièce, Philiane Stvil, est arrivée au Manitoba en 2020. Elle aime beaucoup la soupe, les ingrédients et l’ambiance qu’elle a connus lorsqu’elle était à Haïti.

On mange la soupe en famille avec une sorte de pain qu’on appelle kabiche raconte-t-elle.

Les Canado-Haïtiens du Manitoba s’arrangent pour garder en vie cette tradition. S’il est impossible de se rencontrer le 1er janvier, les membres de la commaunté canado-haitiennes du Manitoba le feront durant les deux premières semaines de l’année pour célébrer l’indépendance autour de la soupe joumou. 

Joshua et Medjine Mesidor étaient heureux de célébrer l’indépendance d'Haïti et de déguster la soupe traditionnelle.
Joshua et Medjine Mesidor étaient heureux de célébrer l’indépendance d'Haïti et de déguster la soupe traditionnelle. | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Cette année, cette rencontre a eu lieu au Centre communautaire Winakwa, à Winnipeg, le 7 janvier. Plus d’une centaine de personnes, des Manitobains d’origines diverses, étaient présentes pour savourer la soupe joumou et en apprendre un peu plus sur l’histoire du pays. 

Selon Martine Kenscoff, présente à l’événement, cette fête est une occasion pour la communauté de se retrouver. 

« On délaisse tout ce qu’on fait pour venir festoyer ensemble avec la communauté », dit-elle.  

Même les enfants prennent plaisir à participer à cette célébration. C’est le cas de Joshua et Medjine Mesidor, 12 ans et 11 ans, qui apprécient particulièrement la soupe. 

« J’aime la diversité dans la soupe », explique Joshua.

Medjine Mesidor a interprété une danse haïtienne lors de la célébration de l’indépendance du pays au Centre Winakwa, à Winnipeg.
Medjine Mesidor a interprété une danse haïtienne lors de la célébration de l’indépendance du pays au Centre Winakwa, à Winnipeg.  | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy
La Franco-Manitobaine Marguerite Paul est arrivée d'Haïti il y a plus de 20 ans.  | Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy