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Des élèves prennent leur pause dîner dans une petit école de la réserve autochtone Praia do Mangue, en Amazonie, au Brésil.  | Photo : Getty Images / Nelson Almeida

Le Canada n’a toujours pas de politique alimentaire nationale pour les repas dans les écoles, une exception parmi les pays riches et une rareté dans le monde. Comment se passe l’heure du lunch ailleurs sur la planète? Pourrions-nous nous en inspirer? Nous avons examiné  les cas de la Finlande, du Brésil et du Botswana.

Le Brésil, un pionnier

Un des plus gros programmes d’alimentation scolaire au monde est celui du Brésil, qui nourrit gratuitement plus de 43 millions d’enfants chaque jour durant l’année scolaire, dans le système public. Au menu : des légumineuses, du riz, de la viande, des légumes et des fruits.

Le programme public a été mis en place dès les années 1950, mais il n’avait pas sa forme actuelle, avec ses recommandations nutritionnelles et sa portée universelle – donc offert à l’ensemble des enfants, comme l’explique la chercheuse à l’Université étatique de Campinas à São Paulo Cinthia Baú Betim Cazarin.

C’est le médecin et humaniste brésilien Josué de Castro qui a ciblé, auprès des plus pauvres de la société, les conséquences de la faim et qui a attiré l’attention sur le problème.

« La réflexion était que, si tu n’as pas une bonne alimentation quand tu es un enfant, tu vas avoir des problèmes plus tard. »

— Une citation de  Mme Cazarin, chercheuse

C’est sur cette prémisse simple que s’est bâti le programme brésilien, qui a continué d’évoluer jusqu’en 2009, année de la dernière grande réforme. On y a alors ajouté l’aspect de l’agriculture locale. Les menus doivent désormais être composés d’au moins 30 % de produits qui viennent de petites fermes familiales à proximité de l’école.

C’est sûr que ce n’est pas évident de vous approvisionner dans de petites fermes quand vous êtes au milieu de São Paulo, soulève la chercheuse. Mais certaines municipalités regardent comment favoriser les fermes urbaines en réponse à cette obligation.

Il y a aussi des limites à l’achat par les écoles de produits ultratransformés; le Brésil est un des pionniers dans cette manière de classer les aliments.

Ce qui est fascinant pour l’universitaire, c’est que différents buts peuvent être atteints grâce au programme d’alimentation, notamment le développement agricole, mais aussi la santé publique et le développement cognitif des élèves. C’est impossible d’apprendre quand on a faim. Je pense que la population accepte très bien ce programme depuis qu’il a été étendu pour offrir des menus plus complets , juge l’experte.

La Finlande, première de classe

Notre pays était très pauvre quand on a mis en place la loi sur l’alimentation dans les écoles , raconte Marjaana Manninen, conseillère principale de l’Agence pour l’éducation de la Finlande. À la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, un grand nombre d’enfants du pays nordique souffraient de malnutrition. La loi, à l’époque, leur garantissait une soupe chaude par jour.

Aujourd’hui, la Finlande est considérée comme un modèle à l’échelle mondiale. Un repas normal dans une école de Finlande commence par le choix des aliments : les élèves remplissent leur assiette en choisissant leur plat dans un buffet en libre-service. Les jeunes apprennent en même temps à gérer leurs portions et à mieux connaître les catégories d’aliments.

Des élèves du primaire écoutent leur professeure dans une classe de Vaasa, en Finlande.
Des élèves du primaire écoutent leur professeure dans une classe de Vaasa, en Finlande. | Photo : Getty Images / OLIVIER MORI/AFP


Dans les recommandations de l’Agence pour l’éducation, on peut lire qu'une attention particulière doit être portée à l’environnement où les jeunes mangent, pour que l’endroit soit calme, propre et lumineux, que la présentation de la nourriture soit alléchante et que du pain fraîchement cuit soit servi autant que possible. On n’utilise pas le mot cafétéria , mais bien restaurant .

Pour l’État, le coût demeure plutôt raisonnable : selon la conseillère, la moyenne est de 2,90 € par élève par jour (4,25 $ CA). En comparaison, selon les dernières données, le Canada investit 0,50 $ par jour par élève.

Les aliments proviennent surtout de l’Europe, en raison des règles de l’Union européenne, mais le programme soutient des productions agricoles locales qui peuvent fournir des ingrédients.

Le programme d’alimentation scolaire finlandais ne vise pas qu’à remplir les estomacs, mais aussi à éduquer les enfants et les amener à cultiver une relation positive avec la nourriture. Le personnel enseignant est ainsi invité à manger avec les élèves, afin d’entamer des discussions thématiques : les légumes, les saisons, l’agriculture, la préparation de nourriture…

« La nourriture, ce n’est pas juste de l’énergie. Ce n’est pas un cours, mais les enfants apprennent en mangeant ensemble, c’est une occasion quotidienne pour les élèves d’apprendre et d’utiliser leurs connaissances.  »

— Une citation de  Marjaana Manninen, conseillère principale de l’Agence pour l’éducation de la Finlande

À mesure que les enfants grandissent, on les traite de plus en plus comme des clients et clientes, voire des critiques, dans un restaurant. À ce titre, on leur demande leur opinion sur la qualité des repas, sur les recettes et les ingrédients utilisés. Dans leurs cours d’économie familiale, les classes peuvent composer des recettes et les proposer au traiteur de leur école.

On veut que les enfants comprennent pourquoi ils et elles mangent [ces aliments] , résume la conseillère. Le programme est-il parfait? Non, répond Marjaana Manninen. On voudrait allonger le temps alloué pour manger, pour qu’il passe de 30 minutes à 45 minutes ou à 1 heure. On voudrait aussi offrir le déjeuner pour tout le monde, et peut-être une collation. Et on voudrait utiliser plus d’ingrédients locaux, [avoir une approche]plus durable.

Le Botswana, où les lunchs développent le pays

Dans les années 1990, le Botswana, pays relativement peu connu du sud du continent africain, recevait des tonnes de denrées par le biais des programmes d’aides humanitaires afin de nourrir sa population. Mais le gouvernement avait un projet en tête : celui de s’émanciper de l’aide internationale. 

Dès 1998, le gouvernement de ce pays, qui fut jadis le plus pauvre de l’Afrique subsaharienne, commence à financer à 100 % un programme d’alimentation scolaire. À l’époque, le menu était surtout composé de produits importés. Mais au fil des années, des ingrédients locaux comme les légumineuses, le sorgho et le maïs lessivé s’y sont ajoutés. En 2020, le Botswana a investi l’équivalent de 160 millions de dollars canadiens dans son programme d’alimentation.

Le modèle botswanais assure que la quasi-totalité des enfants d’âge primaire reçoit un repas gratuit à l’école publique. Si les défis sont encore grands (notamment celui de financer tous les aspects du programme), le Botswana a bénéficié de ses investissements dans l’alimentation scolaire précisément grâce à l’achat local, affirme Arlene Mitchell, directrice de la Global Child Nutrition Foundation.

Dans les dernières années, du bœuf frais, des légumes et des fruits de saison provenant de l'agriculture locale ont fait leur entrée dans le menu. 

« Cela peut motiver les petites fermes agricoles, d’avoir une demande prévisible grâce au marché de l'alimentation scolaire. Vous ne pouvez pas vous baser entièrement sur ça, mais vous pouvez créer une demande suffisante pour que ça fasse une différence.  »

— Une citation de  Arlene Mitchell, directrice de la Global Child Nutrition Foundation

Et les chances de développement sont nombreuses : dans les zones rurales, les grains de sorgho sont préparés localement afin de fournir de l’emploi à des groupes moins favorisés, comme les femmes. 

Les pays pauvres ont d’habitude moins de diversité dans leur menu que les pays riches, parce que la nourriture est fournie par des organismes externes, dit-elle. Mais une fois que les pays commencent à acheter de la nourriture localement, la diversité revient dans le menu.

Il n’y a visiblement pas un seul et unique modèle de politique alimentaire dont un pays peut se doter. Plusieurs facteurs entrent en compte. Et si ces programmes qui ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde pouvaient encourager les gouvernements canadiens et québécois à développer ici un programme tout aussi inspirant et unique? 

Des élèves prennent leur pause dîner dans une petit école de la réserve autochtone Praia do Mangue, en Amazonie, au Brésil.  | Photo : Getty Images / Nelson Almeida